Vivre sans-abri à Genève : ce que l’état de santé révèle des processus de désocialisation et de grande précarité des personnes à la rue.

Cette thèse analyse la grande précarité à Genève à travers l’étude des processus de désocialisation vécus par les personnes sans-abri et de leurs répercussions sur la santé. La grande précarité y est envisagée sous une forme multidimensionnelle : économique, sociale, sanitaire et relationnelle, qui façonne les trajectoires individuelles et conditionne l’accès aux dispositifs d’aide. Cette recherche interroge l’interaction entre les processus de désocialisation, les politiques publiques et les structures d’accueil, en examinant leur impact sur les conditions de vie et les modalités de prise en charge des personnes sans-abri. Elle s’appuie sur une double approche alliant clinique psychosociale et socio-ethnographie. Elle articule un projet pilote de consultation en santé communautaire (444 bénéficiaires entre 2017 et 2020), des observations de terrain menées jusqu’en 2025, des récits de vie et une immersion au sein des dispositifs d’hébergement. Cette méthodologie permet d’explorer les liens entre santé, parcours de désocialisation et réponses institutionnelles. La santé apparaît comme un indicateur des processus de désocialisation. Le temps passé à la rue aggrave l’isolement et les atteintes somatiques et psychiques, donnant forme à des états de précarisation incarnée. Toutefois, ces effets ne sont pas figés, des processus de stabilisation peuvent émerger lorsque des liens sociaux et des prises en charge adaptées sont rétablis. L’étude met également en lumière les effets d’exclusion induits par les logiques de tri institutionnel, notamment à travers la figure ambivalente du ou de la « grand·e précaire ». Elle révèle un écart entre la gestion administrative du sans-abrisme et les réalités vécues. En conclusion, la thèse plaide pour une prise en charge globale, articulant hébergement, accompagnement social et suivi de santé, afin de prévenir les effets cumulatifs de la grande précarité et de favoriser des sorties de rue.